Discours du 11 décembre 2023

Le 11 décembre 2023, le 3e plan d’action national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains (2024-2027)  était présenté par Mme Bérangère Couillard, Ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, en présence de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et de M. Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion.

La Mist était présente pour défendre la participation des premières concernées :

Madame la Ministre,

Madame la Secrétaire générale,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie pour votre invitation, au nom de l’association Mist et de l’ensemble de nos membres

La Mist est un collectif de personnes qui ont été victimes de traite des êtres humains, qui se mobilisent, pour lutter contre ce phénomène, pour promouvoir l’identification d’autres victimes, leur protection, puis leur inclusion, dans un parcours qui leur permet de valoriser leur expérience en aidant d’autres victimes à leur tour.

C’est donc au nom de l’ensemble de ce collectif de victimes, que je vous remercie de nous laisser participer à ce lancement du 3e plan national français de lutte contre la traite des êtres humains.

En effet, la participation des victimes est importante. Notre participation est importante. Parce que nous sommes là pour garantir un principe fondamental. Ce principe est aussi simple qu’il est très souvent oublié : les victimes doivent être placées au centre de l’action menée. Parce que nous sommes les premières concernées par cette action, et parce que cette action doit répondre avant tout à nos besoins.

C’est pourquoi, nous œuvrons à la construction d’un espace de parole, de formation et de travail collectif, qui puisse permettre aux victimes de réellement participer, de donner notre avis et nos recommandations :

Sur les programmes qui sont construits pour nous,

Sur la protection de nos données et de nos droits,

Sur l’efficacité des actions menées ou leurs effets,

Bref sur nos vies à nous.

Il y a trois ans, j’ai poussé la porte d’un commissariat dans le sud de la France. Et j’ai demandé de l’aide. J’ai porté plainte. J’ai traversé une période très difficile, j’étais très seule. J’ai vu un psychiatre, j’ai repris mes études, mais je n’allais pas bien. Je n’ai eu aucune nouvelle de la police.  Et puis un jour, presque par hasard, deux ans plus tard, j’ai été rappelée par un service spécialisé qui avait retrouvé ma plainte et qui l’avait raccrochée à leur dossier en cours. Et alors j’ai enfin rencontré des gens qui comprenaient ce que j’avais subie. Ce jour-là a été pour moi plus bénéfique que toutes les thérapies.

C’est pourquoi, je pense que l’accueil dans les services de police est déterminant. Et que l’expérience des victimes doit être entendue pour l’améliorer.

La traite des êtres humains est un phénomène complexe qui ne concerne pas que des femmes étrangères ou des réseaux internationaux. Trop de dossiers sont encore qualifiés seulement de proxénétisme alors qu’ils relèvent de la traite des êtres humains. Trop de victimes ne sont pas identifiées ni protégées, par manque de coordination.

Depuis plusieurs semaines, des contrôles de police se multiplient dans les lieux de prostitution de la capitale en amont des Jeux Olympiques de Paris. Les femmes sont placées en rétention administrative toutes les semaines.

Ces contrôles sont déployés auprès d’une population de victimes de traite potentielles ou avérées, sans aucun objectif de protection ou d’informations des victimes, sans aucune coordination avec des acteurs de la protection sociale.

Pourtant, les obligations internationales imposent à la France un principe de non-sanction : les victimes de traite potentielles ou avérées, ne sauraient être pénalisées pour des faits commis sous la contrainte.

Nous sommes très inquiètes des prochains mois et des effets qu’auront la mise en place des Jeux Olympiques de Paris sur les personnes victimes de traite.  

Nous demandons la mise en place d’une cellule d’urgence dédiée, pour permettre la mise à l’abri des victimes, en marge des actions répressives qui continueront d’être déployées les six prochains mois sur la capitale.

Je vous remercie pour votre attention,

Nous ne manquerons pas de suivre la mise en œuvre du 3e plan national de lutte contre la traite des êtres humains

Merci.

Mist, Paris, 11 décembre 2023.


La Mist : une association spécialisée et innovante

 La Mist est un collectif de personnes ayant été victimes de proxénétisme ou de traite aux fins d’exploitation sexuelle qui se mobilisent pour promouvoir l’identification d’autres victimes, leur protection, puis leur inclusion, dans un parcours leur permettant de valoriser leur expérience en aidant d’autres victimes à leur tour.

Cette dynamique vertueuse s’appuie sur une méthodologie d’intervention sociale unique développée auprès des personnes victimes d’exploitation sexuelle. Elle vise à favoriser la création d’espaces leur permettant de parler d’elles-mêmes au sein d’un cadre évolutif, de s’autonomiser en prenant part à l’action et à la gouvernance de l’association, de travailler en faveur de la production de recommandations, d’un meilleur accès aux droits pour les victimes et de la lutte contre la banalisation de violences ou de phénomènes d’emprise au sein des groupes de paires.

Créée en janvier 2020 par une équipe pluridisciplinaire de professionnels déjà aguerris aux problématiques de la lutte contre la traite des êtres humains, la Mist est la première association de femmes victimes de traite en France : la moitié du conseil d’administration est constituée de femmes ayant été victimes de traite alors qu’elles étaient mineures.

Dès sa première année d’existence, un groupe de membres de la Mist constituées parties civiles, a remporté la plus grosse condamnation jamais rendue en France pour des faits de traite des êtres humains, et signait un partenariat avec le Barreau de Paris pour mettre en place un mode opératoire inédit sur un territoire de prostitution parisien, entre des médiatrices-pairs nigérianes et des avocats bénévoles du Bus Paris Solidarité.

La Mist est un pôle ressources pour les victimes et les professionnels qui les rencontrent et les accompagnent.

La Mist est enregistrée sur la liste des administrateurs ad hoc auprès de la Cour d’Appel de Paris et soutient ainsi les victimes mineur.e.s devant la justice.

L’association est le premier service orienteur de France du dispositif national Ac.Sé qui permet un éloignement des victimes en insécurité vers des mises à l’abri dans d’autres régions de France (décret n° 2007-1352 du 13 septembre 2007 relatif à l’admission au séjour, à la protection, à l’accueil et à l’hébergement des étrangers victimes de la traite des êtres humain).

L’association est membre de plusieurs groupes de travail nationaux dédiés à la traite er coordonnés par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF).

La Mist est membre de la Global Alliance Against Traffic in Women (GAATW), de La Strada International (LSI)  et du réseau Beyond Borders..

En mars 2023, les membres de la Mist ont contribué au Numéro 9 de la revue « Our Work, Our livres » de la GAATW intitulé : « Celebrating women leaders » ; ainsi qu‘à l’appel à contributions du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage : « Homeless as a cause and a consequence of contemporary forms of slavery ».

Association

Cette association a pour objet  :

  • De lutter contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et de porter assistance à ses victimes, dans le cadre d’une action participative de santé communautaire 
  • De mener des actions de détection, d’identification, de mise à l’abri et d’assistance des victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitations sexuelle et de proxénétisme, majeures et mineures sans distinction de genre
  • De développer toute action sociale, juridique et administrative en rapport avec l’objet
  • De mettre en œuvre une méthodologie participative de santé communautaire et de médiation par les pairs afin de déterminer les objectifs et conduite des actions, leur évaluation ainsi que la communication des résultats, dans un cadre de partage des savoirs et des pouvoirs
  • De promouvoir la défense des droits des personnes victimes de traite des êtres humains, notamment en matière de santé, de protection et d’inclusion sociale, de lutte contre le racisme et toutes formes de discriminations et d’exclusion  
  • De promouvoir la santé des personnes victimes de traite des êtres humains, en favorisant l’implication des personnes dans une action collective, les dynamiques de changements et les transformations de normes par le groupe 
  • De promouvoir l’autonomie des personnes victimes de traite des êtres humains, notamment sur le plan économique, en favorisant l’éducation, la formation et l’accès au marché de l’emploi 
  • D’aider de quelque façon que ce soit les personnes qui souhaitent arrêter la prostitution
  • De porter assistance aux victimes en se portant partie civile si nécessaire auprès des juridictions nationales et européennes 
  • De passer des conventions ou accords avec des associations ou institutions poursuivant les mêmes buts

Équipe

La Mist est un lieu de promotion de l’action sociale participative.

La Mist accompagne les personnes victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme qui souhaitent participer à la lutte contre ces phénomènes, de manière bénévole ou salariée, dans le cadre d’activités d’expertise (retours sur expérience, diagnostics, recommandations) ou d’assistance aux autres victimes (sensibilisation, information, accès aux droits, groupes de parole).

Les membres sont accompagnés et formés dans le cadre de parcours individualisés, par une équipe et un conseil d’administration pluridisciplinaire.

En 2023, la Mist compte 27 membres paires actives mobilisées dans la lutte contre a traite des êtres humains.

Les statuts de l’association imposent qu’au moins la moitié des membres du Conseil d’administration de la Mist soit constitué de membres pairs ayant été victimes de traite des êtres humains.

Les autres membres du Conseil d’administration sont aujourd’hui :

Sarah THEVENON, Secrétaire générale. Cheffe de service d’une plateforme d’accueil des demandeurs d’asile pendant dix ans. Elle a vu un nombre croissant de femmes nigérianes victimes de traite, parfois mineures, entrainées dans la demande d’asile par leurs trafiquants, ballotées dans les différents services et administrations sans être protégées ni même détectées par le système. Elle a largement participé au développement de la formation et de la mise en réseau des partenaires, dans le but de surmonter les nombreuses difficultés permettant à beaucoup de femmes nigérianes d’être mises à l’abri et protéger par l’asile. Elle soutient l’action en faveur des multiples défis encore à relever en matière d’identification, d’accès à la demande d’asile et de protection pour toutes les personnes victimes de traite, majeures et mineures, sans distinction de genre.

Clément SIBONY, Trésorier. Cinéaste, il a mis en place des projets de théâtre avec les femmes nigérianes à Paris, au sein duquel s’est développée progressivement une envie collective de s’investir dans la vie associative et la lutte contre la traite. Il développe aujourd’hui un projet cinématographique avec elles dans le but de rendre compte des enjeux de la libération de la parole individuelle et collective pour les femmes victimes de traite. Il soutient l’émergence et la mise en place de tous projets à caractère artistique ou socio-culturel au sein de l’association.

Marine THISSE, Administratrice. Avocate au Barreau du Val de Marne, elle est le conseil de femmes victimes de traite depuis une quinzaine d’années. Dans la demande d’asile, la procédure pénale ou les contentieux administratifs, elle les soutient dans l’accès aux droit et la mise en application des réglementations françaises et internationales qui les protègent. Elle travaille au développement d’une jurisprudence qui comprend leur parcours, obtenant ainsi le statut de réfugié pour les ressortissantes nigérianes originaires de l’Etat d’Edo et victimes de traite : http://www.cnda.fr/Ressources-juridiques-et-geopolitiques/Actualite-jurisprudentielle/Selection-de-decisions-de-la-CNDA/CNDA-24-mars-2015-Mlle-E.F.-n-10012810-C

Elodie APARD, Administratrice. Historienne de formation ; elle est chargée de recherche pour l’Institut de Recherche pour le Développement, à l’URMIS l’unité de recherche Migrations et société à l’université Paris cité. Elle a également dirigé pendant dix ans, l’Institut Français de Recherche en Afrique au Nigéria dans la ville d’Ibadan, où elle a coordonné plusieurs programmes de recherches collectifs sur la traite. Au sein de la MIST, elle est chargée de développer les échanges entre les membres de l’association et les chercheur.e.s africain.e.s – en particulier nigérian.e.s – afin de promouvoir des formes inédites de transmission des savoirs.

http://www.ifra-nigeria.org/former-research-programs/human-trafficking

http://www.ifra-nigeria.org/ongoing-research-programs/packing

Direction. : Vanessa Simoni

Développement : Aurélie Jeannerod,

Administratif et financier : Caroline Martin

Community organizer : Flora Enifo

Responsable de la vie associative : Juliet Omoruyi

Responsable de projet : Sarah Nweke

Chargée de mission Justice : Maud Pommier

Psychologue clinicienne, supervision des pratiques professionnelles : Caroline Legrez

Webmaster & Photographie : Tadzio